Boréales au nord, australes au sud, et partout, les aurores fascinent petits et grands. Selon l’agence spatiale européenne (ESA), “la nuit se pare de ces fabuleux voiles colorés lorsque des particules chargées, éjectées par le Soleil et transportées par le vent solaire, s’engouffrent dans les lignes du champ magnétique de la Terre et entrent en collision avec des atomes de la haute atmosphère”. Puis la nature de ces atomes détermine la couleur des aurores.

Si les aurores polaires sont surtout visibles au nord du Canada et en Scandinavie, elles le sont aussi parfois plus loin des pôles, lors des orages – ou tempêtes – magnétiques liés à la variation de l’activité solaire, et notamment aux éruptions solaires.

Difficile de concevoir que ce spectacle féérique n’est régi que par les lois de la nature. Les Inuits, les Vikings ou les Finlandais leur donnaient d’ailleurs une explication surnaturelle : par exemple, une légende finlandaise rapporte que les aurores polaires sont créées par les balancements de la queue des renards projetant de la neige, et en finnois, aurores se dit “revontulet”, ce qui veut dire littéralement “feu du renard”. Leur intérêt scientifique mettra du temps à s’établir : bien que déjà décrites par Aristote et Sénèque durant l’Antiquité, les aurores polaires ont une mauvaise réputation en Europe au Moyen Âge, car de même que les tremblements de terre ou les comètes, elles sont synonymes de mauvais présage. Il faudra donc attendre le 17e siècle pour que les scientifiques se penchent sur cette question.

Dans la nuit du 12 au 13 septembre 1621, Pierre Gassendi, astronome, philosophe et théologien français, est témoin d’une aurore boréale : “Il y a eu une clarté remarquable qui, la nuit du 12 au 13, occupa la partie boréale du ciel au point qu’en fut imitée, durant bien des heures, l’aurore la plus éclatante”, explique-t-il. Pour certains, il aurait été le premier à employer l’expression “aurora borea”, en 1649, tandis que pour d’autres, ce serait Galilée, qui, dès 1619, emploie l’expression “boreale aurora”.

Toujours est-il qu’à cette période, la curiosité de certains scientifiques contemporains à ce sujet s’éveille, et que cet intérêt naissant est ensuite stimulé par la recrudescence d’aurores polaires que connaît l’Europe au 18e siècle. “A partir de cette époque, on s’est occupé d’en étudier toutes les circonstances et d’en chercher l’explication. Il faudrait des volumes pour analyser tous les systèmes qui ont été proposés”, résume Pierre-Adolphe Daguin dans son Traité élémentaire de physique théorique et expérimentale, en 1861.

Trois facteurs d’explication se distinguent : le géomagnétisme et l’activité du soleil, que l’on sait maintenant tous les deux impliqués dans la formation des aurores boréales, mais aussi les phénomènes optiques. René Descartes, mathématicien, physicien et philosophe français, postule ainsi que les aurores correspondent à la réflexion de la lumière du Soleil par les particules de glace présentes dans l’atmosphère.

La question dépasse les frontières nationales et divise les scientifiques, comme le montre l’historien Stéphane Le Gars dans un article publié dans la Revue d’Histoire des Sciences, à travers la controverse entre Jean-Jacques Dortous de Mairan, physicien et mathématicien français, et Edmond Halley, astronome britannique : “Alors que Halley invoque des fluides magnétiques émanés des pôles, Mairan va refuser de faire intervenir l’électricité ou le magnétisme, pour privilégier le rôle de l’atmosphère solaire.”

Ainsi, dans son Traité physique et historique de l’aurore boréale, qu’il publie en 1733, de Mairan suspecte déjà un lien entre l’activité accrue de notre étoile et l’occurrence des aurores. Sa théorie rencontre un franc succès, jusqu’à ce que dans la décennie suivante, les Suédois Anders Celsius et Olof-Peter Hiorter remarquent que l’aiguille des boussoles est perturbée lorsque surviennent des aurores polaires, ce qui relance la piste du géomagnétisme.

Aux 19e et 20e siècles, les connaissances s’affinent

“La cause de ce phénomène est tout à fait inconnue, et on ne peut même pas la soupçonner”, écrit Jean-Baptiste Biot, à la page 575 du tome 2 de son Précis de physique expérimental, publié en 1817. Trois ans plus tard, il montre que la lumière des aurores n’est pas polarisée, ce qui exclut leur origine optique, puisque les phénomènes optiques connus (la réfraction, la diffusion ou la réflexion) induisent un certain degré de polarisation.

Les grands noms de la science se penchent sur l’énigme : Celsius, Arago, Becquerel ou encore Humboldt. “L’influence de Humboldt et Arago dans le monde savant va ainsi leur permettre de stimuler, en France mais aussi à l’étranger, des expéditions scientifiques au pôle dans le but de déterminer précisément les variations du magnétisme terrestre sur tout le globe”, explique Stéphane Le Gars dans son article. Les travaux sur les aurores boréales sont en effet intimement liés aux nombreuses expéditions maritimes qui ont rythmé les 18e et 19e siècles. Ainsi, c’est lors d’une expédition que le navigateur anglais James Cook décrit pour la première fois une aurore australe en 1773, et, en 1838, l’expédition La Recherche est conduite afin d’observer, en particulier, les aurores boréales et leur lien avec le géomagnétisme. Ce sont des expéditions de ce type qui ont finalement permis l’élaboration de cartes mettant en évidence la répartition des occurrences des aurores polaires dans la seconde partie du 19e siècle, présentées par David Bernard dans l’article qu’il consacre aux aurores polaires.

L’énigme de l’origine des aurores évolue en même temps que les connaissances scientifiques. Ainsi, au début du 20e siècle, de nouveaux éléments sont pris en compte, comme les rayons cathodiques (faisceaux d’électrons). Kristian Birkeland, physicien norvégien, met au point un dispositif d’étude – qu’il nomme Terralla, ou “petite terre” en latin – constitué d’une chambre à vide, au centre de laquelle est placée une boule métallique recouvrant un aimant (représentant la Terre et son magnétisme), et une cathode (représentant les vents solaires émetteurs de particules électriquement chargées). Le scientifique montre que des aurores artificielles sont produites autour des pôles magnétiques de l’installation, comme l’avaient souligné les cartographes auparavant : cette observation lui permet donc de prouver que les rayons de cathodes issus du Soleil et le magnétisme terrestre sont tous les deux impliqués dans la formation des aurores polaires !

Un mystère complètement résolu ?

Depuis plus de 50 ans, l’exploration spatiale a permis d’observer de mieux comprendre l’origine des aurores boréales et d’en observer sur d’autres planètes, comme Saturne, ou même sur une comète. Mais savons-nous tout des aurores polaires ?

“L’exploration spatiale a fait sauter la plupart des verrous qui restaient obstinément bloqués pour expliquer les sources de particules qui donnent naissance aux aurores. Des sondes ont mesuré les particules du vent solaire dans l’espace interplanétaire et donc “prouvé” son existence ; elles ont sondé toute la coquille magnétique de la Terre (la magnétosphère) et ont permis de comprendre comment le vent solaire interagit avec cette magnétosphère ; elles ont traversé la zone d’accélération aurorale dans laquelle les électrons acquièrent une plus grande énergie (vitesse) avant de se déverser dans la haute atmosphère et de créer les aurores, etc.”, explique Frédéric Pitout, astrophysicien à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse (IRAP), contacté par Sciences et Avenir. 

Malgré ces progrès, les aurores continuent de mobiliser les scientifiques : “Quand on présente les aurores au public, on peut avoir l’impression qu’on sait tout parce qu’on simplifie les choses et on a tendance à passer sous silence les zones d’ombres. Mais il y a encore tellement à expliquer !”, nous confie Frédéric Pitout. “Par exemple, quand le Soleil expulse violemment de sa matière (on parle d’éjection coronale de masse) la magnétosphère terrestre ne réagit pas toujours de la manière attendue et donc l’activité aurorale est parfois plus importante ou plus faible que prévu.” Le chercheur rappelle aussi que certains phénomènes sont parfois pris pour des aurores, comme Steve (pour “Strong Thermal Emission Velocity Enhancement”), il y a un peu plus de trois ans, dont on ignore toujours la nature exacte.

Source : Sciences et Avenir, article de Margot Masson du 13 septembre 2021

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